Simone Gerber, pédiatre - Toupie Magazine

Au cours de sa longue carrière, Simone Gerber a rencontré de très nombreuses familles dont elle a soigné les enfants, parfois sur deux générations. Dans son livre, Mon métier de pédiatre, elle raconte cette expérience riche en émotions et en anecdotes étonnantes. Toupie lui a posé toutes ses questions pour comprendre le rôle complexe du pédiatre auprès des enfants et des parents…
 
 
Comment voyez-vous le métier de pédiatre ?

Pour moi, ce métier a plusieurs facettes. Il faut, bien sûr, pratiquer les vaccins, évaluer le développement de l’enfant, détecter et soigner les maladies, les symptômes, les dysfonctionnements biologiques, etc. Mais à cette dimension « biologique » s’ajoute une dimension « relationnelle », qui est essentielle : le pédiatre doit établir une relation avec les parents ainsi qu’avec l’enfant, quel que soit son âge. En même temps qu’il informe les parents, il est important qu’il s’adresse directement à l’enfant et, par exemple, le prévienne de ce qu’il va lui faire. Dans mon livre, je raconte d’ailleurs cette anecdote : j’examinais un tout-petit de trois mois et, lorsque mon regard se détournait de lui pour parler à sa mère, il se mettait à pleurer. Il m’appelait ! Dès que je reportais mon attention sur lui, il se calmait et souriait. Cela montre bien à quel point la relation entre le médecin et l’enfant est nécessaire.

 

Quel type de relation se noue entre le pédiatre et ses patients ?

Cette relation a un côté à la fois professionnel, amical et bienveillant ! J’ai remarqué, au fil des années, que cette relation est très importante pour l’enfant. Quand il va chez son pédiatre, il se rend chez quelqu’un qu’il connaît et qu’il aime bien car ils se parlent et jouent souvent ensemble. Il faut absolument qu’une relation de confiance se tisse entre le pédiatre et les parents de l’enfant. Parfois, il peut arriver qu’elle ne s’établisse pas. Dans ce cas, l’enfant ne peut pas vraiment entrer en relation avec son médecin, parce que sa confiance passe par celle de ses parents. Il vaut alors mieux que les parents cherchent un autre pédiatre avec qui ils se sentiront plus en confiance.

 

Les parents peuvent-ils se confier au pédiatre ?

Oui, dès que le climat de confiance est instauré ! Les parents peuvent compter sur la confidentialité du pédiatre. Les propos qu’ils tiendront dans le cabinet ne seront jamais transmis à personne (tout médecin y est obligé par la loi). Ils peuvent donc, s’ils le souhaitent, confier des choses assez intimes. J’ai l’exemple d’une maman qui m’expliquait qu’elle n’avait éprouvé aucun sentiment pour son bébé nouveau-né. Elle avait été bien accompagnée par son pédiatre, qui ne l’avait jamais jugée ni culpabilisée. Les parents peuvent aussi se confier sur la situation de la famille. Pour le pédiatre, il peut être utile de la connaître afin de mieux comprendre le jeune patient qu’il a face à lui. En effet, l’enfant est né de d’un père et d’une mère, il s’inscrit dans la différence des générations (avec ses grands-parents, arrière-grands-parents, etc.), et cette lignée familiale a nécessairement une influence sur lui.

 

Parmi les anecdotes que vous racontez dans votre livre, laquelle trouvez-vous la plus étonnante ?

Je pense à un cas inattendu qui se termine de façon assez amusante. Un matin, une maman me téléphone, très affolée, en me disant que les urines de sa fille sont rouges. C’est en effet inquiétant, et je lui donne rendez-vous dans la matinée, en urgence. La maman m’apporte les urines dans un flacon. Effectivement, elles sont rouge vif et cela me pose beaucoup de questions : cela ne ressemble pas à du sang car on voit flotter des bulles et des petits filaments. Je prélève de nouveaux échantillons, cherche toutes les pathologies qui pourraient correspondre, mais je ne trouve rien. Mon regard se pose soudain sur la robe de la petite fille… qui est rouge et pelucheuse. J’arrache un fil de cette robe et je le dépose dans les urines : sous la loupe, je vois que se reproduisent les mêmes petites bulles rouges accolées les unes aux autres. Quel soulagement pour la mère comme pour moi !

 

Bon à savoir…

Dans le cabinet de pédiatrie de Simone Gerber, les consultations se faisaient sur rendez-vous et duraient généralement de 15 à 30 minutes. « Mais si la situation de l’enfant posait problème, cela pouvait durer plus longtemps, explique la pédiatre. Si le médecin voit que sa salle d’attente est pleine, il peut proposer un nouveau rendez-vous. Il arrive toutefois que la famille ait besoin de temps et d’attention ce jour-là précisément, alors le médecin peut prendre du retard. Les patients savent qu’un temps d’attente long chez le pédiatre est souvent en lien avec la qualité de l’écoute lors de la consultation ». Voilà qui aide à patienter, non ?

 

Simone Gerber a exercé son métier de pédiatre pendant 35 ans, dans son cabinet privé de Strasbourg et en consultation gratuite de PMI (Protection Maternelles et Infantile). Formée à la psychanalyse et à la psychothérapie pour enfants, elle a également travaillé pendant 10 ans à la Maisonnée, un lieu d’accueil parents-enfants. Elle est l’auteur de Mon métier de pédiatre et, sous le nom de Simone Rubin, Apprivoiser les maladies de bébés (Éditions Ères).