À l’heure où la mode de « la classe dehors » est à l’honneur, on peut se demander dans quel état sont les cours de récréation des établissements scolaires. Heureusement, ce débat a un peu devancé la crise sanitaire et certaines communes réfléchissent, depuis quelques années, à une meilleure végétalisation des cours et des préaux. Aujourd’hui, certains chantiers ont ainsi abouti à des « îlots » plus ombragés et plus frais, plus que bienvenus dans certaines grandes villes.

Récréations caniculaires…

cours école végétaliséesAvec le dérèglement climatique, les canicules ont été de plus en plus nombreuses ces 10 dernières années en Europe et dans notre pays. Souvent cantonnés à l’été, certains épisodes, comme la canicule de 2019, ont débuté dès le mois de juin. Dans certains établissements urbains aux cours très bétonnées, imperméables ou avec peu d’ombre, il était alors impossible de proposer aux élèves des temps de récréation reposants.

De plus, face aux bulles de chaleur que représentent les villes en temps de canicule, élus et urbanistes se sont vite posé la question : où trouver, en zone urbaine, des espaces suffisamment grands pour imaginer des îlots de fraîcheur ? Or, rien qu’à Paris, la surface des cours de récréation couvre 70 hectares, soit l’équivalent de 70 terrains de rugby. Ainsi, des investissements commencent à être consacrés à la rénovation des classiques terrains de foot-préau-bancs en pierre, et ce, dans une réflexion plus écologique et plus diversifiée pour les principaux concernés : les élèves et leurs enseignants.

Quand la sécurité des enfants étouffe leur rapport à la nature

En parallèle du problème climatique, une prise de conscience sur la diversité du matériel et la qualité des revêtements de cours de récréation a été amorcée ces dernières années. Entre la fin des années 1980 et aujourd’hui, plus de bac à sable, plus de terre à gratter, d’insectes à observer, de cachettes à trouver. La cour, notamment en maternelle, est devenue un lieu mou, avec gazon ou revêtement synthétique. En primaire, les cours sont le plus souvent goudronnées, idéales pour jouer au foot, mais pas pour favoriser la mixité filles-garçons.

Un dernier constat plus récent a démontré que le manque de contacts réguliers des enfants avec la nature est manifeste. Les risques de sédentarité et l’omniprésence des écrans participent à la prise de conscience des acteurs de la petite enfance, qui souhaitent remettre le lien avec la nature dans le quotidien de l’enfant. Dans une tribune parue en février 2021 dans le journal Libération et cosignée par de très nombreux enseignants, l’association L’Enfant dans la nature invite les maires à aider les familles à sortir les enfants.

Ainsi, les cours de récréation, mais aussi certaines structures extérieures de crèches, sont repensées pour offrir un contact avec des matières naturelles. Copeaux de bois, rondins, végétaux, maisons à insectes, etc., contribuent à la stimulation des enfants, notamment des plus petits, dans leur rapport à la nature.

Les cours « Oasis », l’exemple parisien

cours oasis parisS’appuyant sur des exemples mis en place dans des pays nordiques notamment, de plus en plus d’élus locaux, à l’image de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ont lancé de grands projets pour imaginer les cours d’école de demain, tout en impliquant les équipes pédagogiques et les élèves.

En privilégiant des matériaux naturels et moins polluants, les cours parisiennes du projet « Oasis » mené par le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (Caue75) devront permettre une meilleure infiltration des eaux pluviales. Cette meilleure gestion de l’eau crée des effets « îlots » de fraîcheur, notamment la nuit, et compense la chaleur emmagasinée la journée. À cela s’ajoutent des surfaces végétalisées (murs végétaux, jardins pédagogiques, etc.), du mobilier conçu localement, une présence de l’eau plus importante (fontaines, brumisateurs, etc.).

Pour chaque projet, les élèves, dès la maternelle, sont partie prenante du projet, à travers des ateliers pédagogiques menés par le Caue. Progressivement, l’ensemble des 760 cours d’école et collège parisiens seront transformées en Oasis. Aujourd’hui, elles sont un peu plus d’une trentaine à bénéficier d’une transformation ou à être en chantier.

cours oasis Paris
Cour de l’école maternelle Emeriau, dans le 15e arrondissement de Paris (Caue 75).

Des projets « à petits pas » en province

En province, d’autres chantiers ont également vu le jour à Grenoble, Trappes, Strasbourg, Lyon, Lille, etc. Tous n’ont pas les mêmes moyens ni la même médiatisation que les cours « Oasis », mais des mesures sont testées, comme dans l’école du Vivarais, à Guilherand-Granges, près de Valence. Ici, l’élémentaire a bénéficié d’aménagements majeurs (arène de jeux, amphithéâtre pour faire classe dehors, etc.), dont pourraient bénéficier les élèves de maternelle, une fois la crise sanitaire passée. Sur la maternelle, si les quatre grands arbres existants ont dû être coupés, sept nouveaux arbres ont été plantés, et des bancs encerclent les troncs. Si on peut regretter que l’utilisation de gazon synthétique soit encore d’actualité, les élèves ont suffisamment de place pour rouler, s’y étendre et diversifier ainsi leur appropriation de la cour.


LIRE AUSSI : Comment inventer une école plus buissonnière ?


Les cours d’école seront-elles donc les futures oasis de nos villes surchauffées ? Elles pourraient, tout du moins, faire prendre conscience du manque d’espaces verts en ville et des dangers de la densification urbaine. Mais ces projets nécessitent une forte cohésion entre les équipes de professionnels auprès de l’enfance et de l’éducation, les élus et les professionnels de l’urbanisme (architectes, designers, etc.).

Finalement, ces nouveaux îlots au cœur des villes participent à l’initiative des « villes du quart d’heure » : un principe d’urbanisme qui consiste à trouver près de chez soi tout ce qui est essentiel. La ville de Paris expérimente, par exemple, l’ouverture de certaines cours d’école, le samedi, et propose ainsi des lieux de convivialité et de rencontres avec, parfois, des activités menées par des associations.

Isabelle Pouyllau

[Sources : Les cours Oasis de la Ville de Paris, le Caue75 ] Photos : Adobe Stock (photo principale et marelle) ;